1. Le Tchad dans une situation d’État failli
L’histoire tumultueuse du Tchad ne laisse aucun de ses fils indifférent. Animés par un fort esprit patriotique et soucieux du devenir de notre pays, nous avons décidé de prendre part au débat politique pour contribuer à l’alternance pacifique au Tchad afin d’abréger les souffrances de notre peuple.
A l’instar d’autres nations africaines ayant accédé à la souveraineté internationale dans les années 1960, le Tchad a connu des périodes troubles, jalonnées de coups d’état, rebellions ou encore accession au pouvoir par la force. L’espérance du peuple après l’avènement du MPS au pouvoir en 1990 a été vite déçue ; car après la Conférence Nationale Souveraine (CNS) de 1993 qui a permis d’installer des institutions transitoires chargées d’organiser des élections transparentes, l’anarchie s’est instaurée au sommet de l’État.
Cette occasion historique ayant permis de réunir toutes les forces vives du pays pour entamer une épopée démocratique a été freinée par les pulsions autocratiques du Président Idriss Déby qui a brutalement sabordé les institutions issues de la transition. Les Tchadiens se souviendront encore pendant longtemps de la sortie abrupte et incongrue du Président Idriss Déby à cette époque, pour dire qu’ « il n’était pas venu au pouvoir par un avion d’Air Afrique».
A partir de ce moment, les Tchadiens ont compris les intentions réelles des tenants du pouvoir qui n’étaient pas d’instaurer une démocratie, mais une pérennisation d’un système despotique dont les objectifs réels étaient d’assouvir un besoin constant de se servir et aussi de sévir impunément sur les citoyens.
C’est par vagues entières qu’ils se sont constitués en groupes d’opposition politique radicale et politico-militaire ; cela sans répit jusqu’à nos jours. Le régime a montré clairement ses méthodes de gestion qui se résument à la promotion de la médiocrité et de l’incompétence, la dilapidation des ressources du pays, le bâillonnement de la presse, l’arrestation des responsables politiques et des associations de la société civile, et voire le massacre des populations soupçonnées de connivence avec des rebellions.
Cette situation a alerté les organisations internationales des droits de l’homme à l’exemple d’Amnistie Internationale qui avait tiré plusieurs fois la sonnette d’alarme sur le cas du Tchad et saisi l’organisme chargé des droits de l’homme de l’ONU. Il faut noter que les élites politiques, intellectuelles, militaires et les chefferies traditionnelles ont largement cautionné et même participé à cette anomie.
Pendant 26 ans, les citoyens ont assisté, médusés à la déstructuration de l’État Tchadien et à la faillite des normes sociétales.
Les structures de l’État unitaire qui existaient ont cédé la place à un système de désordre où règne une confusion totale entre les institutions de l’État et la machine du parti au pouvoir. Le Président a organisé et entretenu l’affaiblissement de l’opposition démocratique pour empêcher toute alternance pacifique. Les associations de la société civile ont été confrontées quotidiennement à de manœuvres d’intimidation.
Toutes les élections organisées de 1996 à 2016 ont été truquées. La majorité des responsables des partis politiques sont découragés, cédant au fil des temps aux desiderata du pouvoir et ont fini par déclarer une allégeance au pouvoir en place. Tous les accords signés avec les mouvements politico-militaires ou avec les partis politiques à l’exemple de l’accord du 13 août 2007 intervenu avec les partis de la Coordination des Partis politiques pour la Défense de la Constitution (CPDC) ont été rompus par le régime.
Le Président, militaire de formation, chef des armées n’a pu en 26 ans mettre sur pied une armée véritablement nationale. Celle-ci n’existe que de nom, laissant la place à une milice clanique dont la pyramide en termes de grade est inversée. Les interventions militaires au Mali, au Soudan, en Libye, en Centrafrique, et récemment au Nigeria ont fait des militaires Tchadiens de véritables mercenaires. Cette situation a terni l’image de notre pays à l’extérieur.
Le régime, par un manque manifeste de volonté politique, a sciemment sapé toute condition réelle de fondation d’un ordre social et économique fiable. L’administration devenue sclérosée, clientéliste, ne respectant aucune orthodoxie financière dans la gestion des finances publiques est complètement décrédibilisée. Par manque de statistiques fiables, le tissu économique est déliquescent et souvent à la merci d’un système informel dans lequel tous les acteurs se complaisent.
Dans les différents rapports de Doing Business du classement de la Banque Mondiale de ces dernières années, le Tchad occupe souvent les derniers rangs. Quand au dernier classement de la fondation Mo Ibrahim sur la bonne gouvernance en Afrique, le Tchad est 52ème sur 53 pays, Juste avant la Somalie (État faibli). Transparency International classe chaque année notre pays au Top 5 des pays les plus corrompus du monde depuis bientôt une décennie. Dans un classement mesurant l’état de la démocratie dans le monde en 2016, publié par l’Economist Intelligence Unit (EIU), le Tchad est considéré comme la pire dictature du monde.
Le Tchad fait partie des pays les plus pauvres de la planète malgré l’exploitation du pétrole depuis 2003 et les revenus annuels de l’ordre de deux (2) milliards de dollars. Les entreprises publiques, pourtant viables ont été purement et simplement liquidées. L’agriculture et l’élevage qui sont les deux domaines économiques stratégiques du Tchad sont sciemment ignorés et négligés faisant de notre pays le seul pays producteur de pétrole au monde qui déclare la famine en appelant à l’aide alimentaire.
Depuis le début de l’année 2016, la situation de notre pays va de mal en pis. Les fonctionnaires Tchadiens accumulent quatre à cinq mois d’arriérés de salaires. Les factures de la dette extérieure et intérieure s’amoncellent sur les bureaux des fonctionnaires du ministère des finances. Les tensions inter-communautaires s’exacerbent faute d’implication d’une administration responsable qui joue réellement son rôle. La corruption est devenue un fait banal, tellement les agents de l’État s’y accommodent à cause de l’impunité.
Ce tableau peu reluisant de la situation de notre pays interpelle tous les Tchadiens et particulièrement les partis politiques, les associations de la société civile ainsi que les amis du Tchad.
2. La nécessité d’un nouveau parti politique d’opposition en exil
Le Tchad a connu le multipartisme avant même son accession à l’indépendance le 11 août 1960. De 1947 à 1960, plusieurs partis politiques ont vu le jour dont le PPT-RDA du premier Président Tchadien François Tombalbaye. Deux ans après l’indépendance, le 19 janvier 1962, François Tombalbaye proclame par un acte la dissolution de tous les partis politiques, excepté le sien, le PPT-RDA.
C’est le début d’une longue période de parti unique qui va finir avec le processus de démocratisation de l’Afrique déclenché par la conférence de La Baule (France) et la prise du pouvoir par Idriss Déby Itno en décembre 1990. Depuis lors l’on assiste à une prolifération effrénée des partis politiques au Tchad.
Dans son livre «Tchad : les partis politiques et les mouvements d’opposition armés de 1990 à 2012», Dr Bichara Idriss Haggar a recensé 160 partis politiques créés durant la période de 1990 à 2012.
Actuellement, plus de 200 partis politiques sont légalisés dont la majorité n’a aucune influence sur la vie publique. Moins d’une dizaine est implantée réellement au niveau national. Certains partis politiques disparaissent avec le décès ou la vieillesse de leurs présidents fondateurs, d’autres ne fonctionnent que pendant les périodes électorales. Il convient de noter que la plupart des partis sont créés sans une volonté manifeste de faire triompher une idéologie mais plutôt d’en rapporter des gains et profits politiques.
L’objectif de tout parti politique est de rassembler les citoyens d’un pays autour d’un projet afin de travailler pour la conquête et l’exercice du pouvoir dans l’intérêt du pays et de la population. De nos jours, cette action doit s’inscrire dans la logique d’un État de Droit respectant tous les principes essentiels de la démocratie.
La loi N°45/PR du 14 décembre 1994 réglemente les conditions de création, de fonctionnement et de dissolution des partis politiques au Tchad. L’article 9 de cette charte dispose : «Nul ne peut contraindre autrui à adhérer à un parti politique. Nul ne peut être inquiété dans sa vie professionnelle en raison de son appartenance à un parti politique». Dans la pratique, la réalité est tout autre au Tchad. Plusieurs événements et exemples factuels nous amènent à expliquer l’impossible implantation d’un vrai parti politique au Tchad d’aujourd’hui pour militer en faveur du vrai changement. Un citoyen ne peut librement créer un parti politique digne de ce nom et surtout exprimer sa pensée sans en être inquiété.
Ainsi, depuis 1996, quelles que soient les consultations électorales, le mouvement Patriotique du Salut (MPS) détient en permanence la majorité absolue à l’Assemblée nationale à tel point qu’on se demande à quoi servent les élections au Tchad. La machine clientéliste du MPS s’arrange souvent à utiliser l’appareil de l’Etat, par des chantages pour contraindre les fonctionnaires membres de certains partis à démissionner de leur parti moyennant poste à responsabilité pour rejoindre le MPS, parti au pouvoir. Pendant les élections, des menaces claires sont proférées à l’endroit des chefs traditionnels pour inciter leurs administrés de voter pour le candidat du MPS.
Devant ce constat d’espace politique très restreint, l’espoir pour un pluralisme politique au Tchad se trouve donc dans les partis politiques d’opposition fondés en dehors du pays, loin des griffes du régime.
Pleinement conscients de cette triste réalité dans notre pays, nous avons décidé de lancer à l’étranger un parti politique qui s’inscrit dans une démarche pacifique en attendant l’instauration d’une véritable démocratie au Tchad. Sans vouloir s’ériger en donneur de leçons, nous pensons que créer un parti en ce moment au Tchad et accompagner le MPS aux différentes consultations dans le but d’obtenir des strapontins relève d’un manque de sérieux et d’une hypocrisie qui frise le ridicule. Voilà donc la raison de l’éclosion du Conseil National de la Résistance pour la Démocratie (CNRD) à l’extérieur de notre pays.
3. Les propositions du Conseil National de la Résistance pour la Démocratie
Aujourd’hui, plus que jamais, s’impose le sauvetage de ce pays meurtri et martyrisé par la volonté d’un régime aveugle et autiste.
Profondément marqués par la misère de nos compatriotes, motivés par un esprit patriotique et convaincus que la liberté et la résistance à l’oppression sont des droits naturels et imprescriptibles ;
Déterminés à lutter démocratiquement pour sauvegarder l’unité des tchadiens et à instaurer les principes de bonne gouvernance afin d’assurer une culture d’équité et de justice ;
Animés d’un espoir et d’une volonté réelle de changement au Tchad ;
Nous avons décidé à l’occasion du lancement du Conseil National de la Résistance pour la Démocratie de faire quelques propositions dans le présent manifeste en attendant l’élaboration de notre projet de société pour une alternance démocratique au Tchad.
Sur le plan politique et institutionnel
• Instaurer un État de droit basé sur une véritable démocratie pluraliste dans une nouvelle République libre, juste et laïque.
• Garantir et défendre les droits de la personne humaine conformément à la déclaration universelle des Droits de l’Homme et à la charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples ;
• Favoriser l’émergence d’une société de liberté, de justice sociale et de progrès dans laquelle chaque citoyen Tchadien bénéficiera de l’égalité des chances et de la solidarité nationale pour son épanouissement ;
• Combattre vigoureusement la discrimination, les humiliations, le népotisme, le clanisme, le tribalisme, le fanatisme religieux et le régionalisme pour promouvoir l’égalité des chances et la solidarité nationale.
Sur le plan socio-économique
• Favoriser la promotion féminine et l’émancipation de la Femme pour garantir l’égalité entre Homme et Femme et lutter contre toutes les formes de discriminations et notamment les violations des droits des enfants, des femmes et des personnes handicapées ;
• Lutter contre la corruption, l’impunité et le détournement des deniers publics ainsi que toutes les formes de malversations ;
• Revaloriser l’éducation nationale pour l’amélioration des conditions de travail et le salaire des enseignants afin que l’enseignement soit le seul ascenseur social et placer l’Homme au centre de tout développement ;
• Mettre en place une caisse autonome et un fonds de solidarité national ;
• Instaurer une politique de transparence et de rigueur dans la gestion de deniers publics.
Sur le plan défense et sécurité
• Créer des forces de défense et de sécurité véritablement nationales et respectueuses de la démocratie et des droits de l’homme ;
• Mettre en place une politique de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) afin d’inciter au départ, les militaires qui veulent regagner la vie civile et ceux atteints par la limite d’âge;
• Désarmer tout citoyen n’ayant pas le droit au port d’arme et interdire la vente d’arme pendant un certain temps ;
• Créer des écoles d’enfants de troupe et d’infanterie pour professionnaliser l’armée ;
• Sécuriser l’ensemble du territoire national et surtout fixer les forces de sécurités sur les frontières afin de les rendre moins poreuses.
Sur le plan diplomatique
• Raffermir les relations du Tchad avec tous les pays amis afin de consolider son rayonnement dans le concert des nations ;
• Développer la coopération bilatérale et multilatérale pour réaffirmer la politique de bon voisinage et le positionnement du Tchad au sein de la Communauté internationale ;
• Renforcer l’attachement du Tchad à l’Organisation des Nations-Unies et à l’Union Africaine en respectant scrupuleusement tous les traités et accords internationaux ratifiés par notre pays ;
• Réaffirmer l’engagement pour le respect de tous les traités et accords internationaux ratifiés par le Tchad ;
• Réaffirmer l’engagement du Tchad pour le respect des droits et libertés tels que définis dans la déclaration universelle des droits de l’Homme et la charte Africaine des droits de l’Homme et des peuples.
Pour atteindre ses objectifs, le Conseil National de la Résistance pour la Démocratie (CNRD) compte mener toutes ses actions en synergie avec toutes les forces politiques et associatives à l’intérieur et à l’extérieur du Tchad pour une meilleure dynamique de lutte susceptible d’apporter un changement qualitatif au bénéfice de notre peuple.
J’ai lu avec beaucoup d’attention votre manifeste et j’observe que depuis l’avènement des rebellions au Tchad à nos jours, ce sont les mêmes refrains qui nous sont servis. Alors quelle garantie voire assurance donneriez-vous au peuple tchadien pour qu’il ne soit pas dupé une fois encore? Dans les images de l’Assemblée Générale Constitutive que vous aviez publiées j’en connais bien des personnes (anciens militaires et rebelles ou simples citoyens en quête de bien-être) qui ont, certes, servi le régime en place mais surtout, ont su à un moment quitter (le navire) pour marquer leur différence. Ainsi donc, Dois-je conclure que ce passé qui nous est commun vous aurait suffisamment édifier pour ne pas tomber dans la travée.